(photo : http://www.libertyship.be/la-liberation-de-marseille/)
LA LIBERATION D’ AURIOL LE 20 AOUT 1944
Quelques jours avant le 15 AOUT « scotchés » sur notre Poste de TSF nous avions bien entendu sur Radio Londres « Le Chasseur est affamé » …
mais à quoi ? à qui ? attribuer ces messages ?
Ils étaient bien pourtant l’annonce du tout proche débarquement des commandos français sur les plages du Var ……
Nous, « les deux familles NEGRE » étions repliées à AURIOL :
Pressentant notre prochaine libération – qui ? POUVAIT SAVOIR quand ?- et pour fuir la grande ville et ses sirènes, les parents avaient envisagé « le replis » de leurs progénitures . depuis 1942 dans une de nos usines désaffectées à l‘entrée d’AURIOL.
L’usine était en bordure de route et adossée à une colline boisée ; dans cette collie, il y avait une citerne rectangulaire à ciel ouvert depuis longtemps inutilisée et inutilisable .
Nous eûmes tôt fait, mon frère et moi , tous deux scout et guide de France, d’aménager cette citerne en LIEU A VIVRE pour les « JOURS J » non précisés.
On y transporte d’abord tous les objets de valeur : dont l’argenterie familiale, mais aussi des provisions ces maigres provisions délivrées contre nos Cartes d’alimentation : 3 cartes « E » pour les 3 très petits, une « J1 » pour la sœur de 6 ans, 2 « J2 » pour nous les grands et 2 « A » pour Papa et Maman ; ces cartes garnies de tickets qui nous donnaient droit à notre ration quotidienne de Pain, de Viande etc etc c’est à dire 275gr de Pain/jour pour les J2 !
Peu lorsqu’on n’a rien d’autre ou si peu .
On aménage la citerne en dortoir « possible » en la couvrant de canisses et de branches de nos pins d’ALEP : bref on « fait le CAMP » ; avec de grosses pierres : on construit un foyer dont nous avions bien ratissé le tour par risque de feu comme appris chez les Scouts et nous y avions déposé, ce jour-là la marmite de soupe au Pistou préparée par Maman avec l’intention de …. faire pique nique
Or depuis le matin de ce Dimanche 20 Aout 1944 les obus sifflaient au-dessus de nos têtes
Nous savions nos libérateurs proches et notre excitation grandissait …
Quand soudain à quelques mètres de notre campement une gerbe de feu jaillit et embrase la colline : en ce mois de sécheresse, les Pins d’ALEP sont un combustible idéal , le feu gagne
la famille se sauve en plein désordre : Papa, Maman la sœur et les jumeaux s’engagent vers le petit poste de chasse au sommet du chemin, moi, mon dernier petit frère dans les bras en larmes et hurlante comme une folle : « n’y allez pas le feu monte »
….nous nous retrouverons dans l’une des grottes de stockage de l’ancienne usine, juste en bordure de route : nous étions, certes à l’abri du feu …. pas à l’abri de l’ENNEMI qui circulait juste à quelques mètres, pas à l’abri d’un autre obus : Papa et mon Oncle terrorisés s’étaient inquiétés de cet abri : moins d’1 mètre de terre au-dessus de nos têtes .. et nous y étions rassemblés 6 adultes et 7 enfants de la famille !
Nous n’avions plus ni faim, ni soif, ni sommeil nous étions PETRIFIES : même les bébés se taisaient !
Dans le silence sépulcral on n’entendait même pas le murmure de ces bribes de prière oubliées par certains, des prières pour implorer la protection de DIEU…
C’est ainsi depuis au moins 2014 années depuis la naissance, la mort et la résurrection de Jésus CHRIST … ON L’APPELLE À NOTRE SECOURS … en cas de panique tout en oubliant souvent de le remercier ….
Tout à coup … des pas …. des pas sur le chemin de terre qui monte de la route vers notre grotte .la peur nous serre le ventre… pas longtemps dans l’entrée de la grotte s’encadrent deux hommes en treillis militaires mitraillettes braquées sur nous …
Ma mère son dernier petit tendu à bout de bras s’élance implorante « FRANÇAIS, nous sommes francais, pitié…. »
Je ne peux évoquer ces instants sans pleurer ….. moments intenses pour une fille de 14 ans !
Le miracle s’accomplit : les « 2 treillis » se présentent : « NOUS SOMMES CANADIENS, des CANADIENS FRANÇAIS »…..
On ne peut imaginer si on ne l’a pas vêcu la joie qui succéda… un délire de joie : chacun embrassait l’autre, on sautait, on criait, on riait LA GUERRE ETAIT FINIE NOUS ETIONS LIBRES…..
Les tanks alors ont défilé descendant pour leur jonction vers AUBAGNE.
De la tourelle les soldats nous lançaient les barres chocolatées de leurs ration mais aussi des boites de conserves sur lesquelles on se précipitaient morts de faim que nous étions …
Ma colline fut entièrement brûlée….. mais la soupe au pistou seule rescapée du désastre, demeure la meilleure que j’aie jamais mangée.
Qui croira pourquoi les gens de ma génération ont si peur de la guerre ?
Gabrielle NEGRE